
CHANGER D’AIR
I) Un soir en lavant sa vaisselle
Un technicien eut une idée
Si brillante que les étincelles
Manquèrent l’électrocuter
Comment se fait-il que les femmes
Supportent depuis si longtemps
Ces relents qui collent, infâmes
À la peau et aux vêtements ?
Si je parfumais mon Teepol
Par une fragrance à ma façon
L’audace ne paraît pas si folle
Ma préférence va au citron
II) Depuis cette idée de malade
On n’assaisonne plus un flétan
Ni sirote une citronnade
Sans évoquer le détergent.
Cette invention fit des adeptes
On s’ingénia scientifiquement
À supprimer dans les toilettes
La trace du dernier occupant.
Lors, si l’on traverse en Provence
Champs de lavande ou lavandin
On se bouche le nez car on pense
À un mélange crottin-purin
III) Le filon est inépuisable
Pour qui serait assez cruel
À nous faire croire détestables
Les effluves du monde naturel
S’installa une concurrence
Sur les lieux à coloniser,
Les adjectifs et les essences
Qui vous emportent les marchés.
Entre alizés du Pacifique,
Sauge Mongole ou pin andin,
Chaque arôme, même aux tropiques,
Vous remémore le quotidien.
IV) Et lorsque j’hume chez une fille
La rose, le jasmin, le muguet …
Tout aussitôt je me méfie :
Que cherche-t-elle à camoufler ?
Nouveaux progrès industriels :
On s’attaque au corps humain
Après la bouche et les aisselles
On veut travestir l’intestin
Prochaine étape qui se dessine :
Nous faire aimer la pollution
En parfumant décharges, usines
Et pots d’échappements des camions.
V) Si un soir faisant sa lessive
L’un d’entre vous a une idée
Craignez qu’un jour on vous poursuive
De crime contre l’humanité.
