
L'Antoine
Un doux vent se lève au-dessus des champs
Éloigne les nuages lentement ;
Chante dans les arbres et couche la fumée
Qui s’élève seule d’une cheminée.
Il en est ainsi depuis bien des saisons.
Le feu ne chauffe plus qu’une maison.
Et dans cette maison, assis devant le feu,
L’Antoine se repose. Il est vieux.
Il vient tout seul de terminer son souper
Et regarde dans l’âtre les flammes danser.
Il en est ainsi depuis bien des années.
Le village est abandonné
Avant y’avait sa femme et ses deux enfants :
Une belle fille et un gars fort et grand.
Mais sa femme est morte, morte et enterrée
Dans le cimetière. Qu’elle y repose en paix
Il en va ainsi depuis bien des Toussaints
L’Antoine passe la voir tous les matins
La fille est partie au bras de son mari.
Ils travaillent à la ville aujourd’hui.
Et le fils un jour prétendit que l’étable,
Le champ, la basse-cour, n’étaient pas rentables.
Il en est ainsi depuis bien des étés
En usine a trouvé un métier
Il y avait aussi ceux de sa génération
Qu’il connaissait bien. Et c’était bon.
Or les uns sont morts, à l’hôpital ou en guerre ;
Les autres dans les villes se font appeler « grand-père ».
Il en est ainsi depuis bien des veillées.
L’Antoine n’a plus personne à qui parler.
Las les hivers passent et quand tombe le soir
Déjà fatigué il doit s’asseoir.
Sûrement bientôt après une dure journée
Il se couchera pour ne plus se réveiller.
Il y pense ainsi depuis bien des hivers :
Il ignore qui le mettra en terre
La lune se lève au dessus de l’étang
Que le vent agite simplement.
Ils attendent ensemble ce jour prochain
Où la fumée de l’Antoine ne s’élèvera point
Il en sera ainsi pour des ères entières.
Des hommes ne resteront que les pierres.
